Questions / réponses sur le remplacement des flacons d’eau pour préparation injectable du laboratoire LFB Biomédicaments

L’Association française des hémophiles (AFH) vous a informé récemment sur le défaut de qualité concernant les flacons d’eau pour préparations injectables (PPI) de 10 mL (remplis avec 2,5 mL, 5 mL ou 10 mL) du laboratoire LFB Biomédicaments (relire la communication).

L’AFH a, dans un 2e temps, collecté des questions auprès des personnes concernés, via email et les réseaux sociaux, afin de les présenter à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) lors du rendez-vous de juin 2018. Vous trouverez ci-dessous les réponses de l’ANSM.

Questions / réponses :

Défaut qualité sur des flacons d’eau pour préparation injectable (eau PPI)

L’ANSM a été informée début juin 2018 par le laboratoire LFB Biomédicaments d’un défaut qualité affectant des flacons d’eau PPI de 10 mL (remplis avec 2,5 mL, 5 mL ou 10 mL) présents dans les étuis de certaines spécialités commercialisées par ce laboratoire. Tous les flacons d’eau PPI n’ont pas été affectés par ce défaut.

Par mesure de précaution, l’ensemble des flacons d’eau PPI présents dans les étuis de ces spécialités concernés par le défaut qualité a  été remplacé.

A ce stade, des investigations se poursuivent et le risque encouru pour les patients n’est pas connu. Néanmoins d’après les données scientifiques disponibles ce risque peut être considéré comme faible.

L’Association française des hémophiles (AFH) et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) ont élaboré ce document de questions/réponses afin de répondre aux principales questions soulevées par les utilisateurs des eaux PPI.

Nature et origine du défaut qualité

  1. Que s’est-il passé avec l’eau PPI contenue dans certains médicaments dérivés du sang produits par le LFB Biomédicaments ?
  2. Quelle est la nature du défaut qualité ?
  3. Comment le défaut qualité a-t-il été décelé ?
  4. Pourquoi ce type de contrôle avec un éclairage particulier n’est-il pas réalisé systématiquement ?
  5. Certains types de verre permettent-ils de mieux maitriser ce risque de délamination ?
  6. Ce défaut qualité a-t-il été constaté pour d’autres spécialités pharmaceutiques dans lesquelles de l’eau PPI est utilisée ?
  7. Comment expliquer la cause précise de ce défaut qualité ?

Exposition et risque pour les patients

  1. Peut-on utiliser l’eau PPI contenue dans les spécialités disponibles aujourd’hui ?
  2. Comment les personnes qui ont payé une eau PPI en ville peuvent-elles se faire rembourser ?
  3. Quels sont les risques pour les patients qui ont reçu une injection préparée avec l’eau PPI concernée par le défaut qualité ?
  4. Pourra-t-on dire un jour s’il y a ou non un risque pour les patients ?
  5. Comment peut-on éviter qu’un tel problème ne se reproduise ?

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Nature et origine du défaut qualité

1.     Que s’est-il passé avec l’eau PPI contenue dans certains médicaments dérivés du sang produits par LFB ?

L’ANSM a été informée le 6 juin 2018 par le laboratoire LFB Biomédicaments de la présence de particules visibles dans des flacons d’eau PPI. Il s’agit de ce que l’on appelle un défaut qualité.

Ces eaux sont utilisées pour la reconstitution de plusieurs médicaments fabriqués par le laboratoire LFB biomédicaments. Compte tenu d’un risque potentiel pour les patients, en application du principe de précaution, et dans l’attente d’éléments d’analyse complémentaires, le LFB a décidé, en accord avec l’ANSM, de remplacer les flacons d’eau PPI potentiellement impactés. Dans le même temps l’ANSM a cherché à rassembler toutes les informations disponibles pour évaluer la nature, l’ampleur et les conséquences de ce défaut qualité. L’objectif de l’ANSM était de veiller à ce que  les actions les mieux adaptées soient mises en place pour écarter tout risque pour les utilisateurs de ces produits. Des premières informations ont été demandées au laboratoire LFB Biomédicaments. Les laboratoires de l’ANSM ont également réalisé des analyses sur des flacons d’eau PPI prélevés lors d’une inspection du laboratoire LFB Biomédicaments.

Ces premières actions ont été complétées par de nombreux échanges :

  • Avec les professionnels de santé, en particulier des pharmaciens hospitaliers (PUI) et ceux des centres de ressources et de compétences maladies hémorragiques rares (CRC-MHC, ex-CRTH). Pour l’ANSM, il s’agissait de connaitre les pratiques d’utilisation des flacons d’eau PPI pour proposer les meilleures modalités pour leur remplacement.
  • Avec l’AFH pour informer les usagers de la situation et recueillir leurs questions.

2.    Quelle est la nature du défaut qualité ?

Le défaut qualité concerne la présence de particules visibles, retrouvées de façon aléatoire, dans les flacons d’eau PPI de 10 mL (remplis avec 2,5 mL, 5 mL ou 10 mL) fournis par l’un des sous-traitants du laboratoire LFB Biomédicaments. Seuls certains flacons de certaines spécialités sont concernés (liste diffusée le 14 juin 2018).

Il semble que ce défaut soit lié à un phénomène, dit de délamination. C’est un phénomène physique qui entraîne le décollement de paillettes de verre de la taille du micron de la surface intérieure des flacons. Ce phénomène est provoqué par le contact entre le contenant et le contenu (verre – eau). Malgré la neutralité du verre utilisé pour réaliser les flacons, des interactions contenant-contenu induisant le décollement de particules de verre sont possibles. Différentes études scientifiques confirment la présence de particules dans des médicaments conditionnés en ampoules ou en flacons de verre. Ce phénomène est connu des industriels qui le surveillent.

La présence de particules visibles n’est pas tolérée. Avant leur mise en circulation sur le marché, les flacons d’eau PPI font systématiquement l’objet de contrôles. Si des particules visibles sont détectées, les flacons sont rejetés et ne peuvent être commercialisés.

Les particules observées dans le cadre du défaut qualité n’étaient pas visibles au moment de la libération des flacons pour leur commercialisation.

Le « zéro particule » n’existe pas. La présence de particules invisibles est réglementée par des normes de la pharmacopée. Il s’agit de normes qui doivent être appliquées par l’industrie pharmaceutique. La norme de la pharmacopée européenne pour les eaux PPI (N°2.9.19 https://www.edqm.eu/fr/9e-edition-de-pharmacopee-europeenne) est applicable aux particules dites « subvisibles » (c’est-à-dire trop petites pour être visibles à l’œil nu). La norme prévoit :

  • D’une part, une limite inférieure ou égale à 6 000 particules pour un flacon de 10 mL pour les particules de taille supérieure ou égale à 10 microns.
  • Et d’autre part, une limite inférieure ou égale à 600 particules pour un flacon de 10 mL pour celles de taille supérieure ou égale à 25 microns.

Au-delà de ces limites les flacons d’eau PPI ne sont pas commercialisés.

Au moment de leur libération pour commercialisation, les lots d’eau PPI concernés par ce défaut qualité étaient conformes au référentiel européen applicable à l’eau PPI concernant les particules non visibles.

3.    Comment le défaut qualité a-t-il été décelé ?

Ce défaut qualité a été découvert par le laboratoire LFB Biomédicaments au décours d’un contrôle spécifique conduit sur le médicament reconstitué, et non directement sur l’eau PPI.

L’eau PPI utilisée pour la reconstitution de ce médicament ne présentait aucun défaut au moment des contrôles conduits pour permettre sa libération pour commercialisation. Elle était conforme aux exigences de qualité.

Ce défaut qualité a donc été découvert de façon fortuite.

4.    Pourquoi ce type de contrôle avec une technique particulière n’est-il pas réalisé systématiquement ?

Le phénomène de délamination évolue et s’amplifie dans le temps. Plus le contact entre le contenant et le contenu est prolongé, plus le risque augmente. Le phénomène de délamination ne se produit pas au moment de la fabrication. Il s’agit d’un phénomène observé en post-production.

Après l’identification de ce défaut qualité, le LFB Biomédicaments a analysé des lots d’eau PPI plus anciens, conservés dans l’échantillothèque du laboratoire (collection d’échantillons conservés). De façon aléatoire, certains échantillons contenaient également des particules visibles.

5.    Certains types de verre permettent-ils de mieux maitriser ce risque de délamination ?

Il existe 3 types de verre dans le secteur pharmaceutique : verre de type 1, de type 2 et de type 3. Plus on monte en grade, moins le verre est de bonne qualité et plus le phénomène de délamination est susceptible d’être observé. Ainsi le verre de type 1 correspond au verre de meilleure qualité. Pour l’eau PPI, les verres de type 1 et 2 sont autorisés par la réglementation européenne. Dans le cas des flacons concernés par le défaut qualité, il s’agit de verre de type 2, provenant tous du même verrier.
Ils seront tous, à l’avenir, remplacés par des flacons utilisant du verre de type 1.

Par ailleurs, les autres fabricants d’eau PPI ont pour la plupart précisé dans leur dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) qu’ils utilisent des flacons fabriqués avec du verre de type 1.

Le recours systématique à des flacons fabriqués avec du verre de type 1 nécessite une modification de la réglementation européenne. L’ANSM peut néanmoins encourager les fabricants d’eau PPI à utiliser du verre de type 1.

6.    Ce défaut qualité a-t-il été constaté pour d’autres spécialités pharmaceutiques dans lesquelles de l’eau PPI est utilisée ?

A ce jour, ce défaut qualité n’a pas été constaté sur d’autres médicaments dérivés du sang.
L’ANSM a, par ailleurs, réalisé des contrôles sur des flacons d’eau PPI qui viennent remplacer ceux concernés par le défaut qualité et tous les résultats sont conformes à la norme : aucune identification de particules visibles.

Dès qu’elle a eu connaissance de la situation, l’ANSM a immédiatement conduit une inspection chez le fournisseur de flacons du laboratoire LFB Biomédicaments. Les investigations conduites au cours de cette inspection ont permis de constater que seul le laboratoire LFB Biomédicaments recevait des flacons d’eau PPI en verre de type 2 de la part de ce fournisseur. Pour la plupart des autres spécialités, les eaux PPI sont fournies avec des flacons fabriqués avec du verre de type 1.

7.    Comment expliquer la cause précise de ce défaut qualité ?

Des investigations sont encore en cours. Des analyses réalisées par différents laboratoires tendent à confirmer qu’il s’agit bien de particules inertes de verre. L’ANSM a également réalisé les 14 et 15 juin 2018 une inspection chez le fournisseur d’eau PPI du laboratoire LFB Biomédicaments. Il a été constaté que la production de l’eau PPI respectait les exigences réglementaires (bonnes pratiques de fabrication) et aucun manquement particulier qui pourrait expliquer ce défaut qualité, n’a été relevé.
Les investigations se poursuivent et leurs résultats seront partagés avec les professionnels de santé et les patients via l’AFH.

Exposition et risque pour les patients

1.    Peut-on utiliser l’eau PPI contenue dans les spécialités disponibles aujourd’hui ?

Oui. Il n’est plus utile de changer d’eau PPI puisque tous les flacons d’eau PPI qui sont actuellement distribués ont d’ores et déjà été remplacés : l’étiquetage particulier mis en place en atteste.

2.    Comment les personnes qui ont payé une eau PPI en ville peuvent-elles se faire rembourser ?

Si vous avez été concerné par un lot présentant le défaut qualité et que vous avez dû acheter des flacons d’eau PPI pour remplacer ceux qui étaient en votre possession vous pouvez être remboursé.

Le LFB va rembourser les frais occasionnés, aussi bien en ville qu’à l’hôpital. Les modalités de remboursement pour les eaux PPI achetées en ville sont précisées sur le site de l’Association Française des Hémophile (AFH). Les patients doivent conserver leurs factures/ticket de caisse car ils leurs seront demandés.

Voir les modalités de remboursements

3.    Quels sont les risques pour les patients qui ont reçu une injection préparée avec l’eau PPI concernée par le défaut qualité ?

De façon générale, le risque est hypothétique. Il sera difficile de constater les conséquences cliniques pour les patients.

Plusieurs éléments sont néanmoins rassurants quant au risque d’exposition des patients à des particules de verre :

  • Pour l’ensemble des médicaments dérivés du sang impactés, il existe un dispositif de filtration après reconstitution (filtre de 50 µm dans les dispositifs Mix2 vial ou aiguille filtre de 150 µm) qui permet d’éliminer la plupart des particules.
  • Il s’agit d’injections de petits volumes (10 mL ou moins) alors que la plupart des risques décrits dans la littérature scientifique concernent de grands volumes (ex nutrition artificielle par voie intraveineuse appelée nutrition parentérale).
  • Les premiers résultats des investigations montrent que le phénomène est aléatoire, difficile à quantifier. L’ensemble des flacons n’est pas impacté et il est peu probable qu’un même patient ait reçu plusieurs flacons impactés par ce défaut.

Quelques cas d’effets cliniques ont été décrits dans la littérature scientifique

La littérature scientifique contient quelques articles, en faible nombre, décrivant des effets cliniques faisant suite à l’injection accidentelle de particules (particules de verre ou d’autres matériaux). Il peut s’agir, par exemple, de réactions inflammatoires ou d’obstructions de petits vaisseaux sanguins.

A noter que ces effets cliniques dépendent de la taille et de la quantité des particules administrées mais également de l’état du patient et des troubles occasionnés par sa maladie (par exemple troubles de la circulation sanguine), de son l’âge et de la voie d’administration (par exemple risque d’obstruction de petits vaisseaux sanguins lié plutôt à l’administration par voie intraveineuse que sous-cutanée).
Les études menées sur ce sujet sont limitées et ne permettent pas pour la plupart de conclure avec certitude sur les risques encourus.

En conclusion

Le risque de contamination par les particules de verre est considéré comme faible notamment parce que les médicaments injectés sont filtrés après reconstitution.
Les conséquences potentielles correspondent à un risque théorique de lésion tissulaire ou inflammatoire. Ce risque ne peut être écarté mais demeure hypothétique en l’absence d’observation permettant de définir des statistiques fiables.

4.    Pourra-t-on dire un jour s’il y a ou pas un risque pour les patients ?

Une recherche des cas de pharmacovigilance déclarés pour des médicaments reconstitués avec de l’eau PPI concernée par le défaut qualité a été réalisée à la fois dans la Base Nationale de Pharmacovigilance et dans la Base Européenne de Pharmacovigilance Eudravigilance.
De manière générale, peu de cas sont signalés avec les médicaments dérivés du sang. Cela rend les résultats de cette recherche peu informatifs. Néanmoins, la recherche sur ces bases de pharmacovigilance n’a pas montré une augmentation significative du nombre de signalements d’effets indésirables déclarés avec ces produits. Par ailleurs les quelques cas déclarés correspondent à des effets indésirables connus et attendus pour ces médicaments.

Une surveillance rapprochée des cas de pharmacovigilance a été mise en place pour les spécialités concernées.

5.    Comment peut-on éviter qu’un tel problème ne se reproduise ?

Il a été demandé au LFB de n’utiliser à l’avenir pour ses flacons d’eau PPI que des verres de type 1, bien que ce ne soit pas obligatoire aujourd’hui.
L’ANSM va partager ces informations au niveau européen pour tenter de faire évoluer la norme et les référentiels européens.

Nous n’avons pas à ce jour de réponse précise sur le risque encouru, si ce n’est qu’il est faible et hypothétique. Nous sommes donc dans la situation où le principe de précaution s’applique et c’est ce qui a été fait en remplaçant l’ensemble des flacons d’eau PPI concernés par le défaut qualité.