Conseil scientifique de l’AFH

Vendredi 17 avril 2020

Réunion Visio conférence 12h -14h

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Le vendredi 17 avril s’est tenu une réunion en visioconférence du Conseil scientifique de l’AFH. Nous vous invitons à prendre connaissances de ses conclusions.

Personnes invitées par la présidente du Conseil Scientifique Dr Annie BOREL DERLON et le président de l’AFH Nicolas GIRAUD :

Présents : Dr Annie BOREL-DERLON ; Dr Sabine CASTET ; Pr Hervé CHAMBOST ; Dr Valérie CHAMOUARD ; Dr Cécile DENIS ; Dr Roseline D’OIRON ; Pr Olivier GARRAUD ; Nicolas GIRAUD (AFH) ; Dr Annie HARROCHE ; Dr Sébastien LACROIX-DESMAZES ; Dr Thierry LAMBERT ; Dr Peter LENTING ; Pr Claude NEGRIER ; Fabrice PILORGÉ (AFH) ; Thomas SANNIÉ (AFH) ; Pr Sophie SUSEN ; Dr Fabienne VOLOT.

Excusée : Pr Marie-Christine ALESSI.

Objectif : répondre aux questions que se posent les patients dans le contexte du COVID-19 et pouvoir communiquer auprès d’eux.

Dans le cadre du COVID-19 la filière MHEMO a fait de nombreux communiqués conjoints avec l’AFH à destination des soignants et des patients. Cependant, en l’état actuel des connaissances, certaines questions demeurent et le Conseil scientifique de l’AFH s’est réuni le 17 avril 2020 pour essayer de répondre à des questions spécifiques liées aux maladies hémorragiques rares (MHR).

  • Faut-il considérer les personnes vivant avec une maladie hémorragique rare comme population plus à risque de développer un COVID-19 ou une forme sévère de COVID-19 ? En particulier, si elles ont été contaminées par l’hépatite C ou si elles sont concernées par le VIH ?
  • Quelle conduite à tenir pour les personnes qui prennent des anti inflammatoires (AINS) ?
  • Quelle recommandation en cas de COVID-19 sévère ?
  • Est-ce qu’une contamination par le COVID-19 peut modifier la réponse immune anti-facteur VIII ? Risque d’apparition ou de relance d’anti-VIII en particulier lors d’un protocole d’induction d’immunotolérance (ITI) ?
  • Est-ce qu’il y a des recommandations/conseils sur les nouvelles thérapeutiques, en particulier Hemlibra®, dans le contexte de COVID-19 ?

L’avis du Conseil scientifique a été rendu, compte tenu des connaissances acquises au 1er mai 2020. Nous invitons les personnes atteintes de maladies hémorragiques rares (MHR) à se rapprocher de leurs équipes soignantes pour avoir un avis médical adapté à leur propre situation et en particulier, les personnes concernées par un autre facteur de risque de COVID-19 sévère (voire l’annexes avis du HCSP).
Un point important – il est recommandé de poursuivre les traitements substitutifs : prophylaxie ou traitement à la demande comme prescrit par le CRC-MHC.

 

Personnes atteintes d’une maladie hémorragique rare (MHR) et risque COVID-19 ?

Les personnes atteintes d’une maladie hémorragique rare (MHR) n’ont pas plus de risques d’avoir le COVID-19 ou de développer une forme sévère de COVID-19 que le reste de la population générale – (cf. référence Fédération Mondiale de l’Hémophilie (FMH/WFH) et Haut Conseil de Santé Publique (HCSP). Une personne atteinte d’une MHR et qui serait atteinte du COVID-19 doit être suivie CONJOINTEMENT par les équipes spécialisées MHR et les soignants s’occupant du COVID-19.

En cas de fièvre et de toux, les personnes MHR doivent prévenir leur médecin traitant et le médecin du Centre de ressources et de compétences (CRC-MHC, ex-CRTH) qui les suivent habituellement.

En cas de fièvre, toux et essoufflement, les personnes MHR doivent prévenir le 15 et le médecin du CRC-MHC qui les suivent habituellement.

L’accompagnement par les Centres de traitement est nécessaire pour prévenir les risques hémorragiques liés aux soins indispensables et à certains gestes invasifs.

Pour toute information complémentaire consultez le document de la FMH/WFH

VIH ET HEPATITE C

Les recommandations soulignent l’absence de risque spécifique pour les personnes concernées par une contamination par le VIH dont les lymphocytes CD4+ sont supérieurs à 200. Les patients porteurs du VIH sont invités à se rapprocher de leur médecin spécialisé.

Pour les personnes ayant été concernées par une hépatite C, que les patients soient guéris ou non guéris il n’y a pas de prédisposition à un COVID-19 sévère. En cas de COVID-19 sévère, il faudra prendre en compte, dans le suivi médical, les éventuelles perturbations du bilan hépatique séquellaires ou actives.

 

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), corticoïdes et paracétamol 

Si vous prenez ce type de traitement, il est recommandé de vous rapprocher de votre centre de traitement, d’être attentifs et de ne pas hésiter à consulter à la moindre fièvre ou autres symptômes pouvant être du(e)s au COVID 19. Il est en de même pour les traitements par corticoïdes.

Cette question ne peut être traitée de façon générale. Il n’y a pas de recommandation spécifique supplémentaire par rapport à la population générale. En cas de COVID-19, les AINS pourraient majorer des complications infectieuses et aggraver les signes. Cependant, c’est une question à voir au cas par cas, en fonction des situations individuelles de chaque patient.

L’arrêt d’une prise au long cours de ces molécules peut majorer les signes pour lesquels ils sont utilisés (douleurs d’arthropathies).

Si le paracétamol est préconisé, les doses par 24 h ne doivent pas dépasser les recommandations habituelles tant pour les adultes que pour les enfants.

En cas de suspicion de COVID, il sera nécessaire de réévaluer l’ensemble des thérapeutiques avec le CRC-MHC et l’équipe soignante du COVID.

Point d’information de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) 

Les risques thrombotiques et COVID-19 sévère en cas de MHR

A ce jour, il n’y a pas de cas connu de personnes concernées par une maladie hémorragique rare et ayant été dans un cas de réanimation dû au COVID 19 sévère, en France.

En cas de COVID-19 sévère, la problématique est de corriger la maladie hémorragique pour permettre de réaliser les gestes invasifs en toute sécurité (notamment ceux liés à l’intubation et l’aspiration), tout en étant vigilant sur le risque thrombotique lié à la réanimation et à cette pathologie.

A ce jour, il est donc très fortement recommandé de mettre en place un traitement antithrombotique (par exemple héparine) chez tous les patients hospitalisés en cas de COVID-19 sévère.

D’une manière générale, les personnes atteintes de MHR et d’un COVID-19 sévère ont accès aux mêmes traitements que la population générale et en particulier aux traitements antithrombotiques.

Il est donc possible de proposer une prophylaxie du risque thrombotique associée au traitement substitutif par concentré de facteur à adapter au cas par cas selon les patients.

Patients avec inhibiteur anti FVIII ou FIX en cours d’induction de tolérance immune (ITI)

Le COVID-19 sous sa forme sévère est associé à une réponse pro-inflammatoire très importante qui entraîne un dérèglement de la réponse immunitaire, dit orage cytokinique. Il y a donc un risque d’apparition de complications biologiques auto-immunes nouvelles (exemple : anémies hémolytiques auto-immunes, c’est à dire des globules rouges détruits par un auto-anticorps) ainsi que l’apparition d’anticorps anti-phospholipides (les phospholipides sont des constituants de la membrane cellulaire). Il est également important de surveiller, chez les patients avec antécédents de maladies auto-immunes, la réapparition d’une réactivation pathologique de l’immunité.

Ainsi, pour les patients avec un antécédent d’inhibiteur ou en cours d’induction de tolérance immune (ITI), il pourrait apparaître en cas de COVID 19 sévère une nouvelle activation de la réponse anti-facteur VIII ou IX (et donc une relance de l’inhibiteur). Même si cela n’a pas encore été rapporté dans la littérature, ce risque pourrait survenir.

Il est important d’être vigilant, y compris chez les patients sans antécédent d’inhibiteur. Même s’il n’y a pas d’alerte sur le plan international actuellement, il convient de contrôler, dans les semaines qui suivent un COVID-19, la recherche et le titrage d’un inhibiteur du facteur VIII ou facteur IX

Nouvelles thérapeutiques
Hemlibra®

Si un patient atteint d’hémophilie A avec ou sous inhibiteur est traité par Hemlibra® l’effet du traitement perdurerait plusieurs semaines en cas d’arrêt. Pour un patient traité par Hemlibra et atteint d’un COVID sévère, il n’y a à priori pas d’indication à arrêter ce traitement. Si l’un de ces patients se trouve en situation de réanimation, un traitement additionnel par rFVIIa sera utilisé (avec une posologie comprise entre 40 et 90 microgrammes/kilos/par injection) en cas d’inhibiteur ou par FVIII en absence d’inhibiteur. Ce protocole sera à individualiser pour chaque patient entre son médecin du CRC-MHC et l’équipe de réanimation qui le prend en charge.

Message particulier concernant la mise à disposition d’Hemlibra®

La date du 11 mai 2020 ne pourra permettre une mise à disposition de ce médicament. Il faudra attendre que la situation sanitaire se stabilise. La reprise d’une activité normale dans les centres sera très progressive et l’activité COVID-19 sera encore prégnante bien après le 11 mai. Les consultations resteront dans la majorité des cas en téléconsultation pour éviter le présentiel pendant encore plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Les professionnels de santé des centres de traitement seront obligés d’étaler les éventuels changements de traitement pour assurer un accompagnement optimal à la mise en place de ce nouveau traitement. Il faudra prioriser certaines situations individuelles dans le cadre d’une décision partagée.

Fitusiran

Compte tenu du faible nombre de patients concernés, il n’est pas nécessaire de faire une communication globale sur ce sujet, mais une communication individuelle est indispensableLes patients inclus dans cet essai clinique sont invités à se rapprocher de leur centre investigateur qui répondra à l’ensemble de leurs questions.

Ce traitement est en cours d’essai thérapeutique et les investigateurs connaissent, en cas d’infection par le COVID-19, les mesures à prendre.  

Thérapie génique  

Les inclusions dans ces essais ont été arrêtées. Pour les patients concernés recevant une corticothérapie, les décisions se font de façon individuelle. Les patients inclus dans ces essais cliniques sont invités à se rapprocher de leur centre investigateur qui répondra à l’ensemble de leurs questions.

 

Autres sujets
Dénutrition et perte musculaire

Il est recommandé d’exercer une activité physique adaptée et de conserver une nutrition équilibrée pour préserver le capital articulaire et musculaire. L’AFH a mis en place des ateliers et partage également des vidéos d’activités physiques sur les réseaux sociaux qui peuvent être utilement suivis. 

Les autres troubles très rares (autre qu’hémophilie et maladie von Willebrand)

Il n’y a pas plus de risque de contracter le COVID-19 pour les personnes atteintes d’autres déficits de la coagulation rare. De même, le diagnostic biologique (PCR) sur un écouvillonnage nasopharyngé n’a semble-t-il pas été à l’origine de saignements induits mais son usage doit être bien évalué au regard de l’impact du résultat sur la prise en charge. 

Grossesses

Le COVID-19 n’entraîne pas de modification de la procédure de suivi de grossesse par rapport à la population générale. Il faut respecter, le plus possible, les mesures barrières et le nombre de contacts, surtout au 3ème trimestre et la prise en charge, relative à la maladie hémorragique constitutionnelle, de l’accouchement ne change pas.  

ANNEXES
Bon usage du paracétamol

Point d’information de Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) : https://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/COVID-19-l-ANSM-prend-des-mesures-pour-favoriser-le-bon-usage-du-paracetamol

  • Pour les adultes ou adolescents pesant plus de 50 kg, la posologie quotidienne maximale sans avis médical de paracétamol est de 3g/jour, avec des prises espacées de 4 heures minimum. 
  • En cas de poids inférieur à 50 kg, la dose journalière efficace le plus faible possible doit être envisagée sans excéder 60mg/kg/jour (sans dépasser 3g/jour). 
  • Chez l’enfant, il est impératif de respecter les posologies définies en fonction du poids de l’enfant et donc de choisir une forme pharmaceutique adaptée. La dose totale de paracétamol ne doit pas dépasser 60mg/kg/jour.
Sur l’ensemble des informations COVID-19 et MHR : INFOFMH
Avis du Haut Conseil en Santé Publique (HCSP) pour les personnes à risques :

https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/AvisRapportsDomaine?clefr=807