Résultat d’enquête : recueillir l’expérience des patients ayant participé à un essai clinique de thérapie génique de l’hémophilie

Alors que plusieurs molécules de thérapie génique ont obtenu leur Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) et vont être accessibles en France, il nous a paru important de recueillir les ressentis des patients ayant déjà bénéficié de ce traitement dans le cadre d’essais cliniques.

L’objectif de cette enquête est de permettre d’une part d’améliorer l’organisation nationale de mise en place de ces traitements et d’autre part d’évaluer l’impact de la thérapie génique sur la qualité de vie des patients.

Méthodologie :

L’enquête a été menée sur la base d’un questionnaire en ligne co-construit par l’AFH (Nicolas Giraud, Geneviève Piétu) et le CRH (Pr Yesim Dargaud) accessible sur la plateforme SKEZIA de Mars à Juin 2024. Il a été diffusé via les médecins des centres investigateurs (Paris-Necker, Lille, Lyon, Marseille).

Profil des répondants

  • Type d’hémophilie :
    • 16 patients avec hémophilie A
  • 2 patients avec hémophilie B
  • Répartition par Âge :
    • 18-35 ans : 6
    • 36-50 ans : 11
    • Plus de 50 ans : 1
  • Date de l’injection :
    • 2019 : 4
    • 2020 : 2
    • 2022 : 1
    • 2023 : 11 

Résultats principaux :

Sur les 23 patients ayant participé aux essais cliniques en France, 18 ont répondu à l’enquête dont 13 à l’ensemble des questions et 5 partiellement.

 Les motivations principales de la prise de décision des patients pour participer à un essai clinique de thérapie génique pour l’hémophilie sont qu’ils souhaitent se libérer des contraintes liées aux traitements prophylactiques réguliers. Ils espèrent réduire ou supprimer les injections de facteurs de coagulation, ce qui leur permettrait de vivre plus librement et sans les préoccupations constantes liées à leur condition hémophilique. Deux d’entre eux évoquent le fait de participer à la recherche et de contribuer aux avancées thérapeutiques.

Le délai de réflexion pour la prise de décision allait, selon les patients de moins d’un mois (5), de 3 à 6 mois (6) à plus de six mois (4).

La majorité des patients ont trouvé l’accompagnement avant l’injection suffisant et adéquat, mais certains auraient souhaité un groupe d’entraide ou une meilleure vulgarisation du principe de la thérapie génique.

Concernant la gestion des contraintes post-injection, 11 patients sur 13 ont arrêté leur consommation d’alcool et tous ont respecté la recommandation de respecter des moyens de contraception. Certaines difficultés ont été rapportées concernant la gestion des visites médicales fréquentes la première année post-injection par rapport à leur vie professionnelle et personnelle, ainsi que des effets secondaires liés aux corticoïdes.

Les niveaux d’expression des facteurs de coagulation obtenus après l’injection (FVIII ou FIX) étaient variables selon les patients et ont diminué au cours du temps pour certains d’entre eux (Table 1).

Nombre de patients

(n=14)

Année d’injection Taux de FVIII ou FIX maximum atteint après l’injection Taux de facteur FVIII ou FIX actuel
3 2023 >100% >100%
1 2023 >100% 50–100%
2 2022-2023 >100% 10-30%
2 2023 40-100 50-100
1 2019 40-100 10-30%
1 2019 40-100 <2%
1 2020 10-40% 10-30%
1 2019 10-40% 5-10%
1 2020 10-40% 2-5%
1 2023 <10% <2%

Table 1 : Niveau d’expression des facteurs de coagulation obtenus après thérapie génique

La thérapie a été jugée très efficace pour réduire les saignements avec des améliorations notables dans les activités quotidiennes et les loisirs. Les douleurs ont presque disparu chez la plupart des patients. Sur les 14 patients, un seul a repris sa prophylaxie. Aucun ne regrette d’avoir été traité par thérapie génique.

La suite de l’enquête a porté sur l’impact de la thérapie génique sur la vie quotidienne.

La majorité des patients (12 sur 13) déclarent que leur traitement par thérapie génique n’a pas modifié leurs relations avec leur entourage (famille, amis, collègues). Neuf patients sur 13 indiquent que la thérapie génique n’a pas modifié leur regard sur eux-mêmes, tandis que 4 patients affirment le contraire, notant une plus grande capacité à réaliser des activités et une meilleure confiance en eux.

Au quotidien, les patients se sentent psychologiquement délivrés du poids de la maladie, sans crainte des blessures et sans avoir à anticiper les commandes de médicaments et leurs injections. Cela a mené à un sentiment de liberté accrue. Ils mentionnent également une diminution des douleurs articulaires récurrentes et une amélioration générale de leur qualité de vie, leur permettant de vivre comme des personnes normales.

En conclusion :

Cette enquête révèle des perceptions majoritairement positives des patients hémophiles vis-à-vis des essais cliniques de thérapie génique, Elle met en lumière l’impact positif de la thérapie génique sur la vie des patients hémophiles, tout en reconnaissant les défis associés à la gestion des contraintes post-injection et l’importance d’un suivi médical adapté.

La majorité des patients (12 sur 13) a affirmé que la thérapie génique leur a permis d’avoir un esprit libéré de la maladie en gardant toutefois une crainte sur la durée bénéfique de ce traitement dans le temps.

Geneviève PIETU

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