Les femmes saignent aussi

Première conférence européenne consacrée aux femmes et troubles de la coagulation

Du 24 au 29 mai 2019, s’est tenue à Francfort la première conférence européenne consacrée aux troubles de la coagulation chez les femmes. Elle a rassemblé 150 personnes venues de 30 pays membres de l’EHC dont + de 100 participants associatifs, 15 professionnels de santé et 21 représentants de labos.

Une importante délégation française est venue représenter l’AFH à cet événement. Les membres de cette délégation avaient répondu à l’appel à candidature de la newsletter, « les femmes saignent aussi » que l’association a diffusé le 8 mars 2019 à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

Cet appel à candidature avait pour vocation de mobiliser l’ensemble des bénévoles de l’AFH, sur les troubles de la coagulation que connaissent les femmes même sans participer à la conférence.

Cette première conférence européenne a pu voir le jour grâce à l’intérêt que la commission femmes et troubles de la coagulation du Consortium Européen de l’Hémophilie (EHC) a su générer au sein de la communauté des personnes concernées par une maladie hémorragique rare (MHR).

Déjà, en 2017 la commission femmes de l’EHC avait mené une enquête au niveau européen pour faire un état des lieux des problèmes que rencontrent les femmes atteintes de MHR, et ainsi défendre au mieux leurs besoins et mettre en lumière les difficultés, trop souvent sous estimées, qu’elles rencontrent dans leur prise en charge.

Le programme de ces trois jours était dense, avec des sessions instructives et des moments très riches en émotion. Il comprenait des plénières et des sessions « ateliers ». Les interventions étaient animées soit par des médecins (hématologues, gynécologues ou dentiste), soit par des membres associatifs de plusieurs pays européens membres de l’EHC.

Voici, quelques morceaux choisis de ce que nous a appris ou rappelé la conférence :

« Troubles de la coagulation chez les filles et les femmes »

L’enquête montre l’impact de la maladie chez les femmes sur l’activité physique, la vie active (scolaire et professionnelle), la vie sociale et amoureuse, le désir d’enfant. Cet impact est d’autant plus important en cas de retard ou d’absence de diagnostic. Il ressort en outre que :

  • Les soins délivrés par les Centres de traitement de l’hémophilie (CTH) sont généralement bons. La sensibilisation et la connaissance sur le sujet des Femmes atteintes de maladies hémorragiques rares (MHR) commencent à porter leur fruit. Cependant, l’impact de ces troubles sur la vie quotidienne des femmes n’est pas évalué sous tous ses aspects
  • Alors que les règles abondantes concernent, en Europe, 23 millions de femmes, seules 4,5 millions d’entre elles sont reconnues par le corps médical. La gestion des menstruations abondantes est un des problèmes les plus importants dans leur prise en charge. Si elles ne sont pas diagnostiquées, les femmes peuvent ne pas avoir conscience que leurs saignements sont très abondants et donc anormaux, et ce même si cela a un impact important sur leur qualité de vie

En conclusion : les traitements adéquats aux problèmes que rencontrent les femmes ne sont pas encore évidents pour tous les soignants, ni pour toutes les personnes concernées. Les centres de traitement sont principalement tournés vers la prise en charge de l’hémophilie masculine, alors qu’ils sont, en principe, le lieu de prise en charge de tous les patients hommes et femmes atteints de MHR

La prise en charge des femmes vivant avec une MHR, ne s’améliorera pas si elles ne sont reconnues par la communauté des personnes atteintes de MHR, par les professionnels de santé et par la société dans son ensemble. A cette fin, il est nécessaire :

  • De sensibiliser à ces questions : les professionnels de santé notamment les gynécologues dès la faculté, dans les écoles d’infirmières mais aussi lors des formations continues et en ETP
  • D’élaborer et d’évaluer des recommandations pour les Centres de traitements (CRC-MHC)
  • D’individualiser les soins : à chaque femme, un traitement, une prise en charge adaptée à son trouble de la coagulation, à ses symptômes

Pour plus d’information les résultats de l’enquête (en anglais) : suivez ce lien

« Comprendre la transmission et les tests génétiques associés à l’hérédité des troubles de la coagulation »

La deuxième session « Comprendre la transmission et les tests génétiques associés à l’hérédité des troubles de la coagulation » comprenait trois parties qui ciblaient la transmission, l’hérédité et le diagnostic pour les différentes pathologies en lien avec un trouble de la coagulation ainsi que les tests et le diagnostic prénatal. Une telle session est très importante : avoir une meilleure connaissance de la maladie, de sa transmission, permet aux femmes de se préparer, de mieux gérer l’avenir.

« Augmenter la prise de conscience dans le monde pour les Femmes concernées par un trouble héréditaire de la coagulation »

Un symposium, organisé par la Fédération Mondiale de l’Hémophilie (FMH), « augmenter la prise de conscience dans le monde pour les femmes avec un trouble héréditaire de la coagulation » présentait  des actions menées en Slovaquie, en Lettonie et en Suède pour faire connaître du grand public les problèmes rencontrés par les femmes avec MHR : distribution de flyers, articles dans la presse écrite, reportages dans des journaux télévisés, manifestations  publiques telles que courses cyclistes, défilés ou parades …

Gérer d’importants saignements menstruels

La session suivante avait pour sujet la gestion d’importants saignements menstruels, les options de traitement et la préparation de l’adolescence. Une jeune fille atteinte de MHR a potentiellement le risque d’avoir des règles hémorragiques.

La puberté est un moment particulier dans la vie d’une adolescente, l’arrivée des premières règles si elles sont hémorragiques peut être difficile à vivre. Un accompagnement individuel, une prise en charge médicale adaptée par une équipe multidisciplinaire (gynécologue, hématologue), sont nécessaires pour que cette étape soit gérée au mieux (traitement, explications, sécurisation).

Dans le cas de saignements gynécologiques majeurs, il y a différents traitements possibles : hormonal, acide tranexamique, desmopressine. Cependant le traitement ne peut pas être généralisé car chaque femme réagira différemment et des adaptations seront aussi à faire tout au long de la vie.

Les traitements existants ont des effets secondaires qui peuvent eux aussi influencer la qualité de vie. Le lien entre hématologue et gynécologue est très important pour que la prise en charge soit cohérente et que toutes les options soient présentées.

« La chirurgie chez les Femmes avec trouble de la coagulation »

La quatrième plénière, « La chirurgie chez les Femmes avec troubles de la coagulation » était divisée en quatre parties : les saignements ovulatoires dans les troubles de la coagulation, la qualité de vie en lien avec des saignements gynécologiques, la gestion des douleurs pelviennes et la préparation pour une chirurgie. En amont de toute chirurgie, il est nécessaire de consulter son centre de traitement, afin qu’un protocole de prise en charge soit élaboré. Un échange entre le chirurgien, l’anesthésiste et l’hématologue doit avoir lieu. Une patiente qui connaît sa pathologie, doit s’assurer que le protocole de soins est mis en place.  Si cette chirurgie n’est pas programmée, en cas d’urgence, une patiente atteinte de MHR doit avoir en sa possession : un document faisant état : de sa MHR, du protocole de soins, d’une personne contact pouvant faire le lien avec son centre de traitement.

« Plans familiaux » ou « Soutien au quotidien »

Deux ateliers « Plans familiaux » ou « Soutien quotidien » plus interactifs, ont été animés par des représentants associatifs.
L’AFH a mené, avec l’association néerlandaise, un atelier de travail sur le thème : « Soutien associatif et de pair à pair ». Nicolas Giraud, le Président de l’AFH, a présenté le projet associatif ainsi que les objectifs et actions de la commission Femmes. Nous tenions ainsi à démontrer que le sujet des femmes atteintes de troubles de la coagulation ne concerne pas que les femmes, mais aussi les hommes.

Après la présentation néerlandaise, et quelques questions réponses, l’assemblée s’est divisée en 5 ateliers interactifs : « Soutien de pair à pair », « Plaidoyer face à un professionnel de santé non spécialisé en MHR », « La vie quotidienne », « Prise de conscience, sensibilisation », « Créer une commission femmes dans votre pays ».

Problèmes non-gynécologiques

La cinquième plénière était consacrée aux problèmes non-gynécologiques des femmes atteintes de MHR comme la détection et la prise en charge de la carence en fer et de l’anémie, souvent liés aux troubles de la coagulation ou encore l’importance et la particularité des soins dentaires. En effet, une bonne hygiène dentaire est primordiale et les carences peuvent avoir des conséquences importantes.

Les conséquences des troubles de la coagulation sur la qualité de vie

La dernière plénière abordait les problèmes du quotidien : les conséquences des MHR sur la qualité de vie, ainsi que les problèmes psycho-sociaux. Deux présentations mettaient en lumière ces répercussions. La qualité de vie d’une femme, d’une fille atteinte de MHR peut être impactée au quotidien, d’autant plus, si sa maladie n’est pas reconnue et qu’elle ne bénéficie pas d’une prise en charge adaptée.

Les conséquences psycho-sociales peuvent alors être nombreuses; le rôle des centres de traitements et des associations est : « D’écouter », « De mettre en place une prise en charge adaptée et individualisée », « De répondre aux inquiétudes et aux questionnements », « D’apporter un support psychologique », « D’éduquer », « De fédérer les femmes et les hommes atteint de MHR afin d’être plus forts ensemble », « De comprendre que les femmes dans une famille atteinte par une MHR doivent aussi être suivies au centre de traitement de l’hémophilie ».

Témoigner pour mieux connaître et reconnaître

Ces trois jours se sont conclus par la projection d’un documentaire regroupant les interviews de femmes, jeunes et moins jeunes, de plusieurs pays européens (Portugal, Serbie, Pays-Bas, Suède, etc…) atteintes de troubles de la coagulation : Willebrand, Hémophilie, pathologies plaquettaires.

Ces femmes ont témoigné des difficultés qu’elles ont pu rencontrer à différents moments de leur vie pour faire admettre, aussi bien aux soignants qu’à leurs proches, que les femmes saignent aussi à l’instar des hommes et qu’elles souffrent encore du déni de leurs problèmes par la communauté : règles abondantes, désir de grossesse, accouchements, manque de diagnostic ou même suspicions de violences conjugales. Après la projection, plusieurs femmes ont pris la parole.

Ces témoignages profondément émouvants sont venus confirmer à quel point ce documentaire est juste et pertinent dans son propos et sa démarche. La cause des femmes doit être entendue ! Voir le film en anglais

En France, la commission femmes de l’AFH continuera son travail en étroite collaboration avec les autres commissions de l’association et de ses comités régionaux pour œuvrer à la reconnaissance, l’écoute, le diagnostic et à la prise en charge des femmes concernées par une maladie hémorragique rare telle que l’hémophilie, la maladie de Willebrand, les pathologies plaquettaires ou autres troubles rares de la coagulation. Le lien avec les commissions femmes internationales (EHC, FMH) doit être maintenu et renforcé.

Pour contacter la Commission Femmes de l’AFH : Envoyer un mail