L’hémophilie, entre innovations et attentes

23 septembre 2019

Maladie hémorragique rare, l’hémophilie voit sa prise en charge évoluer depuis de nombreuses années. Innovations mais aussi accès et dépistage demeurent des enjeux de taille.

Caractérisées par un défaut quantitatif de facteur VIII ou IX, les deux pathologies de la coagulation que sont les hémophilies A et B ont des traitements qui jusqu’à maintenant reposaient sur un substitut apportant le facteur antihémophilique (FAH) manquant, en prophylaxie ou à la suite d’une hémorragie. L’innovation thérapeutique fait évoluer les choses pour apporter des alternatives tant dans les modes d’action qu’au niveau des voies d’injection, pour améliorer l’efficacité des traitements, le confort et la qualité de vie des patients au quotidien. Des points primordiaux pour cette pathologie chronique qui nécessite un engagement de chaque jour de la part des patients. Parmi eux, les femmes restent les grandes oubliées de cette maladie qui, en France, touche 1 homme sur 6 000 pour l’hémophilie A et environ 1 homme sur 30 000 pour l’hémophilie B, moins fréquente. En effet, les femmes conductrices à taux bas (moins de 40 %) de facteur VIII, à ne sont ni dépistées ni traitées alors qu’à ce même taux les hommes sont pris en charge. Premières règles, grossesses, chirurgie exposent à des hémorragies ces femmes en attente de soins et d’une redéfinition des critères diagnostiques de la maladie.

Nicolas Giraud, Président de l’AFH témoigne :

Toujours améliorer la prise en charge de l’hémophilie

» Malgré les avancées thérapeutiques, il reste d’importantes marges d’amélioration pour ce qui est de l’efficacité, du poids et de l’impact des traitements. De véritables innovations ont révolutionné la prise en charge, sans régler tous les enjeux de la maladie. Le prochain congrès de l’AFH, qui aura lieu du 8 au10 mai 2020 à Lille, traitera de ces attentes. En effet, malgré l’efficacité des traitements actuels, les articulations sont toujours touchées. Des micro-saignements qui apparaissent lors de la baisse de concentration des traitements en sont une des causes probables. De dix à quinze ans de recul seront nécessaires pour savoir si les médicaments disponibles aujourd’hui ou ceux qui vont être mis prochainement à disposition agissent sur cet aspect déterminant dans la vie des personnes. Nous attendons également que des révolutions médicamenteuses soient accessibles dans les autres maladies hémorragiques rares, dont l’hémophilie ne représente que la moitié des 15 000 malades. »

D’autres paramètres permettent également d’optimiser les soins

« Améliorer la prise en charge, c’est aussi alléger le fardeau des traitements qui nécessitent 2 à 3 injections en intraveineuse par semaine, y compris chez les enfants. L’objectif est de minimiser l’impact de la maladie et des traitements sur la scolarité, la vie professionnelle, sociale, familiale et affective. Les traitements à demi-vie prolongée ou disponibles par voie sous-cutanée sont des moyens d’améliorer la qualité de vie des patients. Mais ces innovations ne sont valables que si elles sont accessibles en France et pour tous dans le monde entier. Actuellement, un facteur IX à effet d’action prolongée est ainsi bloqué au Comité économique des produits de santé (CEPS) faute d’accord sur la fixation de son prix. Accessible dans de nombreux pays et ayant fait l’objet d’étude clinique en France, les malades qui pourraient en tirer bénéfice ne comprennent pas pourquoi l’industriel et le CEPS ne se donnent pas les moyens d’aboutir à un juste prix qui leur donnerait accès au traitement. Nous travaillons à faire entendre notre voix auprès de cette instance et de l’industriel pour favoriser l’accès à cette innovation. »

 

Article extrait du Grand Angle spécial Hémophilie, réalisé par l’agence CommEdition, paru dans Le Monde daté du 22-23 septembre 2019