Aurélie, 18 ans : porteuse symptomatique de l’hémophilie A

Aurélie, porteuse symptomatique de l'hémophilie A

Bonjour,

Je me présente je m’appelle Aurélie. J’ai 18 ans et j’habite à Bruxelles. Je suis porteuse symptomatique de l’hémophilie A. Le fait que je sois porteuse je l’ai appris vers l’âge de douze ans, mais ceci ne fut pas une surprise vu que mon père est lui-même hémophile.

Par contre j’ai fait moi-même la découverte que j’étais porteuse symptomatique pendant un congrès de l’hémophilie. Ce terme m’était jusqu’à présent inconnu et la conséquence aussi.

Quand on m’a diagnostiqué comme porteuse on m’a dit que mon taux de coagulation était de 49%, celui de ma soeur jumelle 80%. Jusque-là je voyais bien qu’il y avait une différence de chiffres, on m’avait dit qu’il fallait surveiller ça, mais que normalement ça n’allait pas me poser trop de problèmes…

La première grand étape qui me confronta au fait que je sois porteuse symptomatique fut mes règles. Comme toutes les filles les premières règles sont synonymes de beaucoup de stress et de questions. Ceci est encore pire quand on a des règles qui sont abondantes à ne plus savoir qu’en faire. Ce fut pour moi une période horrible synonyme de beaucoup de stress et dormir chez des copines devenait vite une grande source d’angoisse. À chaque période de règles je m’enfilais donc une boite entière d’exacyl (un coagulant), ce qui rendit mes règles un peu plus supportables, mais toujours au-delà de la moyenne. Quelque mois après mes débuts de règles, mes parents m’ont donc conseillé d’aller chez une gynécologue. Ensemble, on trouva une pilule qui a fait en sorte que je n’ai quasi plus de règles, ce qui à mes yeux fut un gros soulagement.

Je me sentais assez seule pendant cette période. J’ai donc cherché des informations sur internet, mais je ne trouvais pas vraiment l’aide et les témoignages que je cherchais. Maintenant, quand je dis à des gens que je suis porteuse symptomatique, directement la première question qu’on me demande, c’est comment je gère mes règles. Si c’est la première question qui vient en tête quand on parle d’une porteuse symptomatique, alors pourquoi y a-t-il si peu, voir même aucune documentation pour nous de la part des spécialistes ?

La deuxième grosse étape qui me confronte directement au fait d’être porteuse, c’est le fait de mettre un jour un enfant au monde et tout ce qu’il y a autour. Je n’ai que 18 ans, mais pourtant ce sujet me trotte en tête depuis déjà plus de trois ans. Ce n’est pas dû au fait que je voudrais avoir un enfant maintenant, mais plutôt parce que je ne sais pas comment est-ce que je vais devoir gérer mon hémophilie et le fait d’avoir un enfant. J’ai plein de questions qui trottent dans ma tête. Est-ce que mon enfant sera hémophile ? Comment est-ce que mon enfant va vivre avec son hémophilie (en sachant que je suis porteuse d’hémophilie sévère) ? Y a-t-il un moyen d’empêcher que mon enfant « attrape » l’hémophilie et est-ce la bonne solution ? Et puis il y a aussi d’autres questions plus dirigées sur moi : Comment se passera l’accouchement ? Est-ce que mes chances sont plus grandes d’avoir des complications ou des saignements abondants ? Et des questions dans ce genre, j’en ai encore des centaines dans ma tête. Mais surtout en tant que mère comment ne pas se sentir coupable de mettre un enfant au monde qui souffrira sûrement un jour ou l’autre de son hémophilie, tout en ayant conscience qu’on savait depuis le début que ce risque existait ? Comment expliquer cela à la famille de mon copain ? Alors bon doit-on faire confiance à la science ou laisser faire la nature et risquer de vivre avec cette culpabilité ?

J’ai plein de questions concernant le fait d’être mère, aussi bien concernant l’enfant que moi-même, mais nulle part je n’ai trouvé les réponses et informations que je cherchais. J’ai même fait des exposés à l’école sur l’hémophilie, j’ai suivi des congrès sur l’hémophilie. Chaque excuse était bonne pour essayer de trouver des réponses, mais elles restent cachées. J’ai même fait des exposés sur Von Willebrand, vu que cette maladie ressemble au point de vue symptômes fort à l’hémophilie et touche beaucoup de filles. Mais à nouveau pas de réponses, pas de témoignages qui pourraient me rassurer. Alors en attendant, je cherche, j’écris et j’attends pour que les porteuses aient aussi droit aux informations que nous méritons.

Mes amis savent que je suis porteuse et ce qu’il faut faire si j’ai un saignement. À chaque copain que j’ai eu je parlais sans tabou de l’hémophilie. Parce que l’hémophilie, il faut le dire est de nos jours en Belgique bien soigné et n’est plus une aussi grande menace qu’avant. Mais je préfère toujours en parler, parce que je me dis que ça peut me sauver ! Je me dis que plus que je parle de l’hémophilie au mieux mon entourage saura réagir et m’aider le jour où j’aurais un gros saignement. J’ai des boites d’exacyl partout et des compresses froides aussi, on n’est jamais assez prudente et prévoyante.

Mais je dois quand même l’avouer l’hémophilie m’apporte aussi beaucoup de bonheur dans ma vie. Je suis animatrice pour le camp des hémophiles qui se passe une semaine chaque été. Ce camp est très important à mes yeux et m’apporte un bonheur fou de pouvoir aider et servir de confidente à ces jeunes. À ce camp, des jeunes hémophiles apprennent à se connaitre et partagent leur histoire. Ce camp demande physiquement mais aussi mentalement beaucoup de moi, mais le sourire que je reçois de ces jeunes en retour est si fort. Ce camp est pour moi aussi très important. Je m’occupe de ces jeunes et fait tout pour qu’ils s’amusent bien. Cela permet que je me sente moins coupable à l’idée de mettre un jour au monde un enfant hémophile. Je vois ces enfants s’épanouir et j’espère qu’un jour mon enfant pourra autant s’épanouir tout acceptant son hémophilie.

Voici à peu prêt toute mon histoire, mon vécu comme porteuse symptomatique. Mais une chose est sûre, en tant que porteuse on manque cruellement d’informations et de témoignages pour nous informer et surtout nous rassurer.