Premier projet de Recherche soutenu par l’AFH :
des résultats prometteurs pour le développement d’un nouveau traitement, une recherche à poursuivre
En réponse à l’appel à projets lancé par l’Association française des hémophiles (AFH) fin 2016, la subvention de 50 000 euros accordée pour soutenir le projet “Small antibody fragments for subcutaneous treatment in hemophilia” a permis de financer un chercheur Post-doctorant, Amel MOHAMADI, encadré par le Dr Olivier Christophe, à compter du 1er novembre 2017 pour un an. Son travail a permis d’obtenir des premiers résultats prometteurs qui sont décrits dans cet article. Les donateurs, de l’AFH et du Fond de dotation pour la recherche en hémophilie (FRH), ont contribué par leur générosité à l’obtention de ces résultats. L’AFH a décidé de renouveler son soutien à l’équipe de recherche pour une année supplémentaire.
Le soutien accordé par l’AFH s’inscrit dans le cadre d’un projet du laboratoire Inserm U1176, dans l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, consacré à l’étude du potentiel thérapeutique, pour le traitement de l’hémophilie, de petits fragments d’anticorps appelés « nanobodies » inhibant l’action de l’antithrombine, un anticoagulant physiologique.
Ce projet de recherche a débuté en novembre 2014. Un brevet a été déposé en 2017 et il a obtenu la même année un financement de la Communauté européenne pour 3 ans (programme E-Rare, 200 k€ alloués au laboratoire). Trois collaborateurs sont impliqués avec le laboratoire Inserm U1176 dans ce programme Européen, le Pr. David Lillicrap (Kingston, Canada) expert de l’hémophilie A qui possède un modèle unique de chiens hémophiles, et les Drs Federico Mingozzi (Généthon, France et Sparks, Etats-Unis) et Dirk Grimm (Heidelberg, Allemagne) spécialistes de la thérapie génique.
Le contexte général du projet et pistes de recherches
D’importants progrès techniques ont été réalisés ces dernières années dans le traitement de l’hémophilie et de nombreuses nouvelles thérapies prometteuses atteignent les phases cliniques avec, pour certaines, des autorisations de mise sur le marché pour de nouveaux traitements. Néanmoins, il existe toujours un besoin : rendre ces traitements accessibles à la majorité de la population hémophile dans le monde. En effet, encore aujourd’hui, 70 % des patients hémophiles ne bénéficient d’aucune thérapie, notamment du fait de leur coût.
Parmi les stratégies de recherche visant à produire de nouvelles molécules pour le traitement de l’hémophilie, l’une d’elle implique la neutralisation des anticoagulants naturels, en particulier l’inhibiteur de l’antithrombine. Ces inhibiteurs physiologiques de la cascade de la coagulation empêchent la dispersion du caillot et l’obstruction du flux sanguin.
Actuellement, une molécule basée sur ce principe, le Fitusiran (Sanofi et Alnylam), abaisse spécifiquement les taux d’antithrombine et corrige les saignements chez les hémophiles A et B avec et sans inhibiteurs. Elle est administrable en sous-cutané et a une demi-vie longue (2-3 semaines). Elle est aujourd’hui en phase clinique 3. Cependant, ce traitement ne peut pas être utilisé dans le cas d’épisodes hémorragiques aigus et pour le traitement à la demande, car le délai pour obtenir des niveaux d’antithrombine réduits après injection est long (1-2 semaines), ce qui limite son application.
L’objectif du projet
Il est basé sur le développement d’une plate-forme permettant de sélectionner, produire et caractériser des fragments d’anticorps appelés « Nanobodies » issus de lamas, capables de cibler spécifiquement des acteurs de la coagulation sanguine.
Ces nanobodies possèdent des propriétés uniques dont leurs caractéristiques en font des candidats idéaux pour le développement de nouvelles molécules thérapeutiques.
Leurs intérêts principaux sont leur faible coût de production et leur mode de conservation, car ils sont très stables à température ambiante, ce qui devrait permettre de répondre aux attentes d’une large population de patients hémophiles dans le monde.
Si aujourd’hui, c’est une approche peu connue de thérapie, elle est réaliste, car un premier nanobody (Caplacizumab) du groupe Sanofi est en passe d’obtenir une autorisation en Europe pour traiter une maladie rare du sang.
L’objectif final du projet est d’obtenir au moins un nanobody inhibant l’activité de l’antithrombine, inhibiteur physiologique de la coagulation sanguine. En agissant sur l’activité d’une molécule anti-coagulante, le but est de restaurer la coagulation sanguine chez un patient hémophile sans utiliser une molécule procoagulante comme le FVIII ou le FIX.
De ce fait, ce traitement pourra être utilisable pour les hémophiles A et B avec ou sans inhibiteurs. En théorie, il devrait également pouvoir s’appliquer à d’autres troubles rares de la coagulation.
Des résultats préliminaires prometteurs
1) Production et caractérisation de nanobodies anti antithrombine in vitro
La première étape de ce travail, qui a duré plusieurs mois, a été de produire ces petits anticorps de lamas et de sélectionner ceux reconnaissant l’antithrombine humaine parmi plusieurs centaines obtenues.
Grâce au financement de l’AFH, Amel Mohamadi a pu caractériser une dizaine de molécules de nanobodies dont trois d’entre elles ont le potentiel de corriger le défaut de coagulation dans un plasma hémophile sévère aussi bien que le FVIII utilisé pour les patients.
2) Caractérisation des nanobodies anti antithrombine in vivo
Amel Mohamadi a pu aussi caractériser in vivo ces 3 nanobodies prometteurs dans un modèle de souris hémophile A de son laboratoire. Elle a montré qu’ils ont une demi-vie 10 fois plus longue que le FVIII thérapeutique.
De plus, ils diminuent très significativement les saignements chez les souris hémophiles A après administration en intraveineux.
Parallèlement, l’équipe du Dr Mingozzi au Généthon a montré que ces nanobodies étaient également capables de corriger les saignements chez des souris hémophiles B, indépendamment de la présence d’inhibiteurs.
Aucun signe de thromboses ou de malaise n’a été détecté sur l’ensemble des souris traitées avec ces nanobodies. Ces résultats sont en accord avec ceux des études menées par la société Alnylam avec le Fitusiran.
Enfin, le chercheur vient d’établir que ces nanobodies anti-hémophiliques peuvent être utilisés en injection sous-cutanée.
En conclusion, l’équipe a démontré qu’il était possible de corriger un défaut de coagulation chez des souris hémophiles A ou B en utilisant des nanobodies dirigés contre l’AT.
L’ambition de cette équipe de recherche est que, sur une période de 5 ans, le meilleur des nanobodies obtenu soit testé en termes de sécurité et d’efficacité chez le chien hémophile, puis qu’un lot de qualité clinique soit produit pour démarrer un essai clinique chez l’homme.
Ces résultats prometteurs incitent à poursuivre cette piste de recherche. Soulignons néanmoins que nous ne sommes qu’au début d’un long processus dont l’aboutissement permettant, à terme, la mise à disposition d’un nouveau traitement à moindre coût dépendra du succès de la mise en œuvre des étapes suivantes de la recherche.