Avenir des soins multidisciplinaires et des résultats : retour sur la table ronde de l’EHC

@photos by Elliott Laub

Le 20 février 2019, invitée* par Olivia Romero Lux (responsable du groupe de travail Actions internationales de l’AFH), j’ai pu assister à la table ronde intitulée « The Future of Comprehensive Care and Outcomes in Haemophilia » (c’est-à-dire, dans la langue de Molière, Avenir des soins multidisciplinaires et des résultats), organisée par le Consortium européen de l’hémophilie (EHC) qui s’est tenue au Parlement européen à Bruxelles.

Avant de commencer, un mot sur l’EHC

Le Consortium européen de l’hémophilie (EHC) est une organisation internationale à but non-lucratif qui représente 46 associations nationales de patients atteints de troubles rares de coagulation, originaires des 28 États membres de l’Union européenne (UE) et de la plupart des États membres du Conseil de l’Europe. Le consortium est ouvert à toutes les organisations de patients européennes liées aux troubles de la coagulation, membres de la Fédération mondiale de l’hémophilie (FMH) et appartenant à la région Europe, telle que définie par l’Organisation mondiale de la santé. L’EHC représente environ 90 000 personnes en Europe atteintes d’un trouble rare de coagulation. Il soutient activement ses organisations nationales membres (NMO) en privilégiant les actions de plaidoyer et la formation des dirigeants associatifs. L’EHC s’appuie sur les connaissances des patients, des professionnels de la santé, de la communauté scientifique, des institutions européennes et de l’industrie pharmaceutique pour partager son expertise au sein de l’Europe et améliorer l’accès aux soins. Le consortium collabore également étroitement avec d’autres organisations de patients européennes pour porter la voix collective des personnes atteintes de troubles rares de la coagulation. Le partage des expériences, les connaissances, les idées et un travail collaboratif sont alors synonymes d’efficacité. Lors de la table ronde, la quarantaine de participants, était constituée, pour moitié, de représentants de l’industrie pharmaceutique et, pour le reste, de membres des différentes associations nationales de l’hémophilie (Allemagne, Catalogne, Danemark, France, Irlande, Portugal, Roumanie, Suède). Deux représentants de l’EAHAD** étaient également présents autour de la table.

En raison de l’absence excusée de Madame Norica Nicolai (eurodéputée roumaine et membre du groupe sur les troubles hémorragiques rares), la table ronde a été animée par sa consœur Madame Gesine Meissner (Allemagne), très intéressée par les questions de santé, et en particulier par l’accès aux soins pour les maladies rares.

Toute nouvelle venue dans cet environnement international, la complexité des sujets, hautement médicaux et techniques, dépassait très largement mes connaissances. Néanmoins, les présentations, illustrées par de nombreuses diapositives, étaient passionnantes. Une fois la soupe à l’alphabet (voir ci-dessous) avalée, voici ce que j’ai retenu des différents exposés.

Les nouvelles thérapies ne remplacent pas un suivi régulier

Le Docteur Evelien Mauser-Bunschoten, UMC Utrecht (Pays Bas) et le Docteur Johannes Oldenburg, CTH de Bonn (Allemagne) ont dressé un état des lieux des différentes thérapies innovantes et sur les conséquences qu’elles auront sur la prise en charge des patients et le rôle des soignants. Pour ces deux praticiens, la prophylaxie reste le traitement idéal pour les patients. Les nouvelles thérapies ne remplaceront pas la nécessité pour les patients de se faire suivre au sein de centres de soins holistiques. Au contraire, il sera d’autant plus important de disposer d’une équipe complète, multidisciplinaire et experte pour assurer un suivi complet du patient.

Le Président du comité de physiothérapie de l’Association européenne d’hémophilie et des troubles associés (EAHAD), le Docteur Sébastien Lobet, également membre des Cliniques Universitaires St Luc (Belgique), a souligné l’importance d’une approche multidisciplinaire dans une présentation sur l’évaluation des résultats chez le patient bénéficiant de nouvelles thérapies. Il a expliqué que le niveau résiduel de facteur souhaité dépend de l’activité physique de l’individu – par exemple, pour un jeune sportif, un taux de 15/20 % de facteur est nécessaire. Il a comparé les différents outils mis en œuvre (radios, ultrasons et IRM) pour évaluer l’état articulaire. Il recommande de bien distinguer « fonction » articulaire de « structure » articulaire, le patient ayant parfois la sensation de gagner en amplitude grâce aux nouvelles thérapies alors que l’évaluation par imagerie indique le contraire. Par ailleurs, dans 15 % des cas, les patients obtenant un score de 0, ayant donc d’une articulation en parfaite santé, souffraient en réalité d’une hypertrophie synoviale selon l’outil d’évaluation utilisé. Il préconise, par conséquent, l’emploi d’outils visant spécifiquement les hémophiles en conjonction avec d’autres outils plus génériques. Il invite également ses confrères à faire appel aux nouvelles technologies de modèles informatiques pour visualiser les mouvements et évaluer l’état articulaire.

Sonnette d’alarme sur un projet de loi allemand

Pour finir, Anna Griesheimer, de la Deutsche Hämophilie Gesellschaft (DHG), membre nationale allemande du EHC, a tiré la sonnette d’alarme concernant un projet de loi allemand qui entrera en vigueur au cours de l’été 2019 concernant la distribution des produits pour l’hémophilie. Pour réduire les coûts et sous couvert de transparence, il est prévu que les malades, munis d’une ordonnance établie par leur médecin généraliste, s’approvisionnent directement dans les pharmacies de ville, sans suivi régulier dans un centre de traitement spécialisé. Il s’agit d’une nouvelle inquiétante qui remettrait en cause, entre autres, le suivi global du patient par les professionnels de santé spécialisés, la traçabilité des médicaments, leur bonne utilisation, la collecte des données épidémiologiques, la qualité des soins, notamment en cas d’accident hémorragique. De plus, Mme Griesheimer a souligné que cette pratique pourrait amener à une surconsommation de facteurs, les hémophiles plus âgés s’en servant comme antalgique et les médecins traitants n’ayant pas d’expertise spécifique en matière de maladies hémorragiques rares.

L’après-midi fut très instructif et riche en informations …. À suivre !

Soupe à l’alphabet

Emicizumab anticorps bispécifique humanisé destiné au traitement de l’hémophilie A
PTP previouly treated patients patients ayant déjà été soignés
PUP previouly untreated patients patients n’ayant jamais été soignés
EHL extended half life une demi-vie prolongée
ABR annual bleed rate le nombre annuel d’accidents hémorragiques
PWH people with haemophilia les personnes atteintes d’hémophilie
MSK musculo skeletal system système musculosquelettique
ICF The International Classification of Functioning, Disability and Health (ICF) La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) a été adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale de la santé en mai 2001
SC subcutaneous sous-cutané
IV intravenous intraveineux
HJHS Haemophilia Joint Health Score note de santé des articulations d’un hémophile

*Article rédigé par Susan Cammas

**EAHAD -European Association for Haemophilia and Allied Disorders (EAHAD) : L’Association européenne pour l’hémophilie et les troubles apparentés (EAHAD) est une association multidisciplinaire de professionnels de la santé prodiguant des soins aux personnes atteintes d’hémophilie et d’autres troubles de la coagulation. Ses membres comprennent des hématologues, des internistes, des pédiatres, des infirmières, des physiothérapeutes, des scientifiques de laboratoire et des chercheurs de toute l’Europe. Depuis sa création en 2007, EAHAD s’emploie à améliorer la situation des personnes atteintes d’hémophilie et d’autres troubles de la coagulation.

Pour aller plus loin : https://www.ehc.eu/events/round-table-on-the-future-of-comprehensive-care-and-outcomes/